L'épouvantail dépressif (A & A et Cie n° 121)

Photo DR

Comme il est contrariant, pour un épouvantail,

De ne jamais avoir pu effrayer personne !

Même si, scrupuleux, je me tue au travail,

Gesticulant des bras, hélas nul ne s'étonne.

Les plus petits oiseaux se posent sur mon front,

A tirer mes habits sans vergogne s'amusent !

Je n'en puis vraiment plus d'endurer ces affronts.

Chaque jour mon courage et ma volonté s'usent.

...

Tu devrais consulter, me conseilla le Vent

Qui tel un bon ami s'émeut fort de ma peine.

Un docteur te prescrira des médicaments

J'en connais un fameux à deux pas dans la plaine.

Je grimpai sur son dos, peu rassuré, ma foi !

De me voir dans l'azur voler à tire d'aile,

Tous, humains, animaux, furent glacés d'effroi!

Il n'en fallut pas plus. Depuis, bonne nouvelle :

Au milieu de mon champ, j'inspire le respect.

Le paysan a même changé mon costume.

Tant il est fier de moi, il me va commander

Un beau chapeau tout neuf orné de quatre plumes !

AG

« Il n'y a aucun mal à changer d'avis,

pourvu que ce soit dans le bon sens. »

Winston Churchill

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Océanique

 

C'est louche ! (A & A et Cie n° 120)

 photo Alain Ménez

"De quoi parlent ces gens ?

Du beau temps, de la pluie ?

D'amour ou bien d'argent ?

Ah ! Que cela m'ennuie !

...

Oui, je suis pipelette,

J'adore les cancans,

Mais là, je suis inquiète :

De quoi parlent ces gens ?

Penchée à ma fenêtre,

J'épie les passants.

C'est un complot, peut-être,

On en voit tellement 

Dans tous les magazines

Et même à la télé.

Comme dit ma voisine,

Un jour, tout va sauter !

Personne dans la rue...

Je suis le seul témoin.

J'ai bien ma longue-vue

Quelque part dans un coin...

Prévenons la police !

Oui, il faut réagir.

On me dirait complice

Si ces gens allaient fuir.

Vite, à mon téléphone !

Où sont donc mes lorgnons ?

Tiens ? Mais voilà qu'on sonne !

Ah non, non, trois fois non !

Dring ! Dring!

J'ai la France à défendre !

Intérêt supérieur. 

Il pourra bien attendre :

Ce n'est que le facteur.

Allô ! Gendarmerie ?

Venez vite : un complot !

Une plaisanterie ?

Mais non ! Allô, allô !

Dring ! Dring! Dring!

Il n'y a plus personne.

Où sont-ils donc partis ?

Et ce facteur qui sonne !

...

Au fait, est-ce bien lui ?"

AG

« La peur nourrit l'imagination. »

Joseph Joubert

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Le défi (A & A et Cie n° 119)

 photo Alain Ménez

A l'Âne un jour la Chèvre lança ce défi :

« Jusqu'au chêne là-bas, faisons tous deux la course !

Cheval, tu jugeras ! Un, deux, trois, c'est parti ! »

L'Âne était très âgé, mais non point sans ressources.

Il consentit. La Chèvre fila comme un trait,

Puis au loin s'arrêta, fière de son avance,

Dansant en plein soleil ou somnolant au frais...

Tandis que le Baudet clopinait en silence,

Songeant à la Tortue et au Lièvre étourdi :

« Rien n'est jamais perdu, la fable en est la preuve ! »

...

Le jeu dura longtemps... Le Cheval s'endormit...

Et nul ne sut jamais qui remporta l'épreuve !

AG

Je vous souhaite une très belle et heureuse année 2023 !

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Océanique

Un jour, mon Prince... (A & A et Cie n° 118)

 photo Alain Ménez

―Le voyez-vous, mes sœurs ? ―Nenni, rien de nouveau !

―Ouvrez plus grand les yeux ! Il se cache, peut-être.

Avez-vous regardé jusqu'au fond du ruisseau ?

―Vingt fois. Il n'est pas là, vas-tu un jour l'admettre ?

―Il existe pourtant, je vous l'ai dit cent fois !

―Et comment le sais-tu ? ―Je l'ai vu... dans les livres.

―Tu lis bien trop! ― Serait-ce puni par la loi ?

―Non, mais  ce n'est... ―C'est avec lui que je veux vivre !

―Ton imagination, ma sœur, te joue un tour.

Souviens-toi : Don Quichotte et sa chevalerie !

Que ne ferait-on pas, aveuglé par l'amour ?

Allez, viens donc nager, quitte cette folie !

―Oh ! s'il vous plaît, trouvez-le, mon Prince charmant !

―Ne nous en tiens rigueur, mais nous voici bredouilles...

Enfin, réfléchis donc  : hormis dans les romans,

Cela n'existe pas, un Prince homme-grenouille !

AG

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Trois amis (A & A et Cie n° 117)

 photo Alain Ménez

Ils étaient trois amis qui rêvaient de voyages,

Qui ne supportaient plus leur petit pâturage,

Ce misérable enclos ceint de fils barbelés,

Sa barrière de fer bien verrouillée à clé.

C'est le Bouc en premier qui évoqua la chose.

Il avait voyagé et fit tant par sa prose,

Que l'Âne et la Jument furent bientôt conquis.

Le baudet cependant, ne l'était qu'à demi :

-Savez-vous, disait-il, si hors de la clôture,

Le monde que l'on voit n'est pas d'autre nature ?

Imaginez qu'il soit une pure illusion

Et que sitôt sortis nous y disparaissions.

Moi, je ne bouge pas, faites à votre guise !

-Je crains, dit la Jument, que ta fainéantise,

Sans vouloir t'offenser, ne te dicte ces mots!

-Bon... Mais comment sortir ? Le pré n'est-il pas clos !

-Bien fermé, dit le Bouc, oui, on nous le fait croire !

Les Humains ont l'art de conter beaucoup d'histoires.

Il N'Y A PAS DE CLÉ ! J'ai vérifié tantôt.

Comment avons-nous pu n'y pas songer plus tôt ?

AG

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Le pigeon et la coquille (A & A et Cie n° 116)

photos Alain Ménez

 Venant d'apercevoir dans l'herbe une coquille,

Près de son nid perché, Maître Pigeon songeait...

Il fit mentalement le tour de sa famille :

A son soulagement, personne n'y manquait.

Un, deux, trois, quatre et cinq ! La semaine dernière,

Ses jeunes emplumés avaient pris leur envol.

Il en était heureux, son épouse était fière.

Mais que fait donc cette coquille sur le sol ?

Sa présence à coup sûr est fort problématique !

Il descend se poser quelques mètres plus bas

Pour faire de l'objet l'examen méthodique,

Quand soudain, il lui semble entendre un bruit de pas :

Maître Chat ! C'est bien lui, tout en crocs, tout en griffes,

Qui d'un bond se jette sur le columbidé !

Par bonheur, ce dernier, n'étant pas molle chiffe,

D'un coup d'aile s'enfuit, se moque de Minet

Qui manque son appui, tombe sur la coquille !

Lui qui l'avait placée exprès là, ce matin,

Pour tromper le pigeon, et de fil en aiguille,

Avec des petits pois, s'offrir un bon festin !

Parlons tout net sans plus attendre :

Tel fut bien pris qui croyait prendre ! 

AG

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Un chat, et quel chat ! (A & A et Cie n° 115)

 Photo Alain Ménez

« Allons bon! Je suis découvert !

J'aimais pourtant cette cachette,

A l'abri été comme hiver.

C'est bien dommage, elle était chouette !

Je vais devoir chercher ailleurs

Un autre refuge, une cave

Pour me cacher car j'ai très peur.

Mais parlons bas. L'affaire est grave :

Le chat de la Mère Michel,

(Vous connaissez la chansonnette ?)

C'est moi, devant vous, bien réel !

Ne faites donc pas cette tête !

Comme chacun, vous avez cru,

C'est d'ailleurs paru dans la presse,

Ce qu'a dit le Pèr' Lustucru

A mon ancienne maîtresse :

Que, paraît-il, j'étais perdu

Ajoutant avec fourberie,

Que j'avais même été vendu

Pour un lapin ! Plaisanterie !

Merci de garder le secret.

Du confort d'un foyer n'ai cure.

J'en suis parti de mon plein gré.

Moi, je suis fait pour l'aventure !

Par-dessus tout, je détestais

Jouer aux pelotes de laine.

A aucun prix je ne voudrais

Que ma maîtresse me reprenne ! »

Chut!

 AG

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