lundi 1 février 2021

Le grillon et l'araignée (A & A et Cie n° 100)


 photo Alain Ménez


(ou : Le pacifisme par la boisson)


Demoiselle Arachné, un jour de canicule,

Courut frapper à l'huis du Grillon son voisin :

-Par Jupiter, Monsieur, vous tairez-vous enfin ?

                   Je ne puis fermer l'œil !

                                                           -Madame, je stridule !

Des fils que vous tendez à toute heure, en tous lieux,

Dans lesquels à loisir s'entortillent mes pattes,

De vos pièges où vous jouez les acrobates,

Je ne dis jamais mot, ni n'invoque les dieux !

Ne vous fâchez donc pas ! Voyez, nous sommes quittes.

Si je vous invitais demain soir à souper,

Peut-être pourrions-nous calmement en parler ?


L'araignée accepta ; s'en vint à l'heure dite.


Le Grillon, pour tout plat, étant végétarien,

Avait coupé menu sur un beau lit de mousse

Les plus tendres bourgeons de succulentes pousses.

Lui, s'en délecta fort. L'autre ne mangea rien.


-Toutes ces crudités, le diable les emporte !

Se disait l'arthropode en son for intérieur.

J'aurais dû apporter, c'eût été bien meilleur,

Quelques mouches farcies au larves de cloportes !


-Mais vous ne goûtez pas ? s'inquiéta le Grillon.

-Je dévore des yeux, chez nous, c'est la coutume.

-Si vous ne mangez pas, vous buvez, je présume ?

-Juste un doigt de rosée, avec modération,

Car ce divin nectar me fait tourner la tête !


Verre après verre on but, et plus que de raison !

On rit, et l'on dansa, on chanta des chansons.

Jusqu'à l'aube, dit-on, se prolongea la fête.


Les voilà bons amis. Dès lors, la vie est belle.

Alors que tout semblait pourtant les opposer,

Il a suffi d'un rien pour les réconcilier.

Le partage a souvent raison de la querelle.


AG

Je vous invite à lire, inspirés par la même image,

 à la date de parution, le texte d’Alain Ménez 
sur le blog :  
et celui d’Océanique sur le blog :